Aujourd'hui, dans les médias on
fait une large place aux commentaires sur le Bye Bye 2013. Ce que l'on a aimé, ce que l'on n'a pas aimé. On
s'avise sûrement de critiquer les comédiens, le choix des sujets, la réussite
ou non de certaines imitations. La routine du jour de l'an, quoi!
C'est la routine. « Business
as usual ». Mais si l'on se demandait plutôt que de jouer au critique
spécialisé du Bye Bye de cette année, d'où vient cette tradition de se réunir
en famille pour voir les faits marquants de l'année.
Le Bye Bye de Radio-Canada
Certains diraient à juste titre
de la revue de fin d'année, les Bye Bye, qu'ils sont une tradition bien ancrée
perpétuée par la Société Radio-Canada depuis 1968.
Voici l'historique
que l'on peut retrouver sur Wikipédia :
« L'émission
a été présentée toutes les années de 1968 à 1998. Toutefois, en raison de la
démission des membres de l'équipe du Bye
Bye 1997, le spécial n'a pas été présenté cette année-là.
Cependant, une rétrospective des meilleurs Bye
Bye avait été diffusée. En 1998, Daniel Lemire prend en charge toute la
structure du Bye Bye. Ce fut
le dernier spécial jusqu'à ce que Radio-Canada engage Véronique Cloutier pour
une nouvelle formule en 2003. L'année 2004 ayant été difficile pour Cloutier,
Radio-Canada a décidé de ne pas renouveler l'expérience. À la demande populaire
et constatant qu'il n'y avait plus de domination télévisuelle la veille du Jour
de l'an, Radio-Canada engage le groupe Rock
et Belles Oreilles (RBO) pour concevoir une nouvelle mouture du Bye Bye, celui de 2006, afin de
souligner les 25 années d'existence du groupe. C'est aussi RBO qui a conçu le Bye
Bye 2007. Toutefois, pour
2008, Radio-Canada s'est tournée à nouveau vers Véronique Cloutier pour animer
et produire cette revue télévisée de fin d'année.
Avant
de recevoir l'appellation Bye Bye,
le concept a été présenté sous un autre nom, soit Salut '57!, diffusé le 31 décembre 1956, le 31
décembre 1957 et puis pendant trois autres années, de 1959 à 1961 c'est
l'émission Au p'tit café qui se charge de la revue de l'année qui se
termine. D'autres comme Zéro de
conduite, Ça va éclater!
et Les Couche-tard furent
aussi utilisés, en rapport avec les spéciaux de fin d'année que les émissions
présentaient.
La
comédienne et humoriste Dominique Michel a participé à pas moins de dix-sept Bye Bye dans toute sa carrière,
incluant le spécial de 1997 30 fois
Bye Bye. Ce fut ainsi son dernier Bye Bye. »
Cela conforte
sûrement celles et ceux qui ont répondu que le Bye Bye est une tradition
purement télévisuelle implantée par la Société Radio-Canada. Mais ce n'est pas
toute la vérité. S'il est vrai que la formule des Bye Bye télévisuels est
issue de Radio-Canada et de la télévision, la tradition des revues d'actualité
est un pur produit du début du théâtre et du début de la scène à Montréal au 19e
siècle. Voyons cela de plus près.
Montréal,
Québec Canada, 1900
Les premières
revues d'actualité occupent une large place sur la scène culturelle
montréalaise au début du 20e siècle. La population se prend
d'affection pour ces nouveaux produits culturels et on y retrouve autant un
public ouvrier qu'un public de classes bourgeoises. C'est d'ailleurs à partir
de ces revues d'actualité que se créera au Québec une véritable tradition
théâtrale.
Les revues
d'actualité sont des spectacles hétéroclites composés de plusieurs sketchs,
chansons, saynètes et monologues. De façon générale, ces revues traitent
d'événements d'actualité de la vie et sociale de l'époque et elles mettent en
vedette des politiciens et des personnalités connues. On y retrouve aussi des
personnages insolites inventés de toutes pièces comme le personnage Maison à louer, Scandale de l'électricité. Règle générale, la trame narrative est
assurée par une commère ou un compère qui raconte au public présent une
histoire en se servant de lieux et de personnages.
La meilleure revue
de cette époque selon les auteurs est Le diable en ville d'Alexandre Sylvio. La Presse relate ce
spectacle de la façon suivante : Le diable est revenu sur terre pour se
rendre compte de ce qui s'y passe, étant donné du grand nombre de mortels qu'il
reçoit dans son domaine. Il fait le tour de la ville et avec ses deux
personnages qui l'accompagnent, on visite l'Hôtel
Mont-Royal, on rencontre l'Heure normale, l'amateur de radio, une salle de théâtre, un cinéma. Les situations sont cocasses
et l'humour est au rendez-vous. On retrouve là l'essence même des Bye
Bye d'aujourd'hui même si le produit culturel a beaucoup évolué.
Des
racines françaises
Ces revues
d'actualité ont des racines proprement françaises. Elles ont été les
principales attractions culturelles à Montréal de 1900 à 1930 et ont accompagné
la venue de la modernité au Québec. On doit les premières revues d'actualité
locale à des Français établis à Montréal tels les frères Delville, Numa Blès et
Lucien Boyer. Par la suite, on retrouve une influence américaine par le biais
des spectacles de variétés et du burlesque, Alexandre Sylvio produit Y'en
a dedans en 1927. Ce spectacle aligne saynètes, dialogues, sketchs,
parodies, chansons en solo ou en duo, en plus d'un burlesque de la vie moderne
intitulé le progrès en l'an 50 (Lacasse et al, p. 103).
Les revues
d'actualité connaîtront un immense succès et elles seront supplantées à la fin
des années 30 par la radio et le théâtre qui commence à prendre de l'importance
sur les scènes de Montréal. Ce n'est que vers la fin des années 1950, plus
précisément en 1957, que ces revues d'actualité reprendront forme à la
télévision avant de devenir la tradition des Bye Bye que nous
connaissons si bien aujourd'hui.
Le
Bye Bye 2013
Au moment où
j'écris cette chronique, je ne sais pas si le Bye Bye 2013 a été
une bonne cuvée. Je sais cependant qu'il fera l'objet de moult commentaires de
la part de tous les observateurs comme le sont toutes les émissions de
télévision qui ont encore le privilège d'avoir une cote d'écoute de plus d'un
million de téléspectatrices et téléspectateurs. Ce que je sais cependant c'est
que ce Bye Bye 2013 est issu d'une vieille tradition de revue
d'actualité qui a dû faire face en leur temps à de nombreuses critiques et même
à la censure de l'Église catholique. Une Église qui n'aimait pas beaucoup le
théâtre léger et l'humour grinçant de pièce comme Le diable en ville. Autres temps, autres mœurs me
direz-vous. Pourtant, 2013 a été l'année de la Charte des valeurs québécoises
du PQ...
Ce qu'il faut
retenir c'est que si la critique est parfois dure envers nos créateurs
culturels, nous pouvons au moins nous consoler du fait que nous n'avons plus la
censure de l'Église. En ce début d'année 2014, où notre gouvernement veut
censurer les tenues vestimentaires, rappelons-nous combien la liberté
d'expression est une valeur chère pour nous tous...
Santé,
Bonheur et Prospérité pour 2013!
Lectures
recommandées :
Germain Lacasse,
Johanne Massé et Bethsabée Poirier, Le
diable en ville. Alexandre Sylvio et l'émergence de la modernité populaire au
Québec, Montréal, Presses universitaires de Montréal, 2012.306 p.
Tweet de la semaine : « La
littérature ne répond pas aux questions de ses lecteurs, elle les
suscite » dans Bernard
Pivot, Les Tweets sont des chats, Paris,
Albin Michel, 2013, p.41
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